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Body politics ou « My body is my country »

« Ce que la globalisation rend possible, c’est précisément la possibilité de subjectivation des particularités. Qu’est-ce en effet qu’être soi à l’age de la globalisation, sinon de pouvoir revendiquer librement telle ou telle particularité – la reconnaissance de ce qui, dans une nation qui nous est commune, voire le monde qui nous est commun, me rend différent des autres ? Et de fait, l’on pourrait suggérer que la reconnaissance de cette différence par les autres est précisément la médiation par laquelle je me fais leur semblable. Il apparaît donc, quant au fond, que le partage des singularités est bel et bien un préalable à une politique du semblable et de l’en-commun. »

Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit, La Découverte, p117.

Body politics ou « my body is my country » interroge l’échelle des corps, la création et l’inscription d’identités, ou plutôt de singularités, individuelles ou de groupe dans la sphère urbaine / publique. Il s’agit ici de questions d’apparences, de « sape », de « dress up », qui ouvrent sur des questions de genre, d’appropriation et de métissages des codes culturels, vestimentaires, gestuels, musicaux…

Il s’agit de performatif.

Il s’agit de dress up (s’habiller chic), de  show up  (se montrer) : ou comment des singularités  se construisent et s’expriment à travers des pratiques de l’habillement, du geste, de la parole, de la musique. Il s’agit de recyclage, de ré- appropriation des styles et des esthétiques et de réinvention de sens (réinvention, ou perte ? diraient certains) ; mais pas seulement : il s’agit d’émergences des anciens subalternes par l’appropriation des codes des ex colonisateurs, de leur style, comme un jeu avec les codes (mais l’inverse fonctionne aussi).

Il s’agit de mode bien sûr, mais on est au delà de la mode. S’il y a une grande attention aux griffes, aux marques, aux coupes, aux couleurs, etc… c’est en fait que via l’habillement, on touche à des enjeux ultra contemporains (car porteur d’un fort potentiel, en devenir) de personnes, enjeux intimes, de singularités en construction, flottantes, hybrides, ou au contraire des affirmations très fortes, revendicatrices, individuelles ou collectives, singulières, voire culturelles. Manières de donner une intensité à sa vie…
« Performing the identity »…
De l’invisibilité à l’hypervisibilité.

Il s’agit d’accès et de relation à la société de consommation.

Il s’agit d’un au delà des identités culturelles ou nationales, un au delà de la couleur de peau, du biologique, du masculin – féminin… Questions de genre. Il y a une dimension ludique, faite de jeux avec les oppositions, les systèmes normatifs, les contraintes culturelles… (v. notamment Michel Foucault et Dick Hebdige à ce sujet). Ce qui par extension renvoie à des débats en France sur les signes ostensibles d’identité culturelle.
Pour nous, il s’agit d’explorer comment ce tissu d’enjeux traverse les pratiques de vie et d’habillement des jeunes générations vivant en France, en Afrique du Sud et dans les villes où nous travaillons, et de les inscrire dans un contexte plus large, tant ces pratiques se développent et circulent partout dans les grandes villes du monde.

Il s’agit d’une « matrice de savoirs, de récits, de pratiques, (…) tout entière faite de circulation » (Jacques Rancière à propos des lores), de circulations souterraines. Il s’agit d’aborder les gens à un endroit qui les touche, intéresse presque tout le monde, immédiatement, tant ces codes de l’habillement et le sens du style qui va avec font partie d’une sorte de langage commun à tous, et tant le corps reste un territoire potentiel de liberté et d’expression, d’imaginaire, dans un monde où cette liberté est de plus en plus contrainte.

Il s’agit enfin d’une manière d’approcher la ville, de l’observer à partir du point de vue de ses habitants (People as infrastructure, dit Abdumaliq Simone), de la manière dont ils l’occupent, la vivent : pratiques de la surface, de l’apparence, théâtralité de l’espace urbain à des fins aussi bien tactiques qu’esthétiques. Il s’agit pour nous ainsi, de travailler la question de l’espace public (ou commun) et la relation aux spectateurs, aux publics, à la fois dans des moments extra quotidiens, mais aussi dans un espace temps quotidien, celui des habitants d’un quartier, dans des territoires où, la plupart du temps, les communautés se croisent plus qu’elles ne se rencontrent et où ces signes vestimentaires, participent des frottements et croisements dans la sphère publique.

Sur Kinshasa, Filip de Boeck dit ceci : « La négociation constante entre les identités individuelles et collectives, opère presque toujours dans le domaine public et y fait l’objet de commentaires. Car Kinshasa existe sous le regard public et par son image publique. Nourrie par la force de valeurs comme le « paraître », le « faire croire », le « faire valoir », le « faire semblant », qui animent la praxis urbaine, c’est essentiellement une ville exhibitionniste ou, une « ville spectacle ». Cette esthétique urbaine de l’étalage et de l’apparence s’illustre le plus clairement dans l’espace le plus privé de la ville, qui constitue aussi son théâtre le plus public : le corps. » (Kinshasa, récits de la ville invisible, p. 55).


Body politics
, or « my body is my country » interrogates the scale of bodies, the creation and inscription of individual or group identities in the urban / public sphere. It is about appearances, sape, dress up, and it opens up issues (questions) around gender, appropriation and crossbreeding of cultural, fashion, gestural and musical codes.

It is about the performative.

It is about dress up (being elegant), show up (showing oneself) : or how individual identities, group identities are built and express themselves through clothing practices, gestures, parades, speaking, musical practices. It is about recycling, re appropriation of styles and aesthetics, recreation of meanings (re invention, or loss ? would some people argue) ; but not only : it is about the way former subalterns emerge through the appropriation of the ex colonizers codes, perceived as full of style (but the reverse works too).

It is about fashion, of course, but also beyond fashion. If we pay attention to styles, colors, fashion, etc. it’s related to the fact through dress up, very contemporary questions are arising (as they carry a strong potential), around individuals, intimate dimensions, identities under construction, floating, hybrid, or at the reverse very strong affirmations, individually or collectively, singularities, also cultural. Ways to give a proper intensity to it’s own life… « Performing the identity »…
From invisibility to hyper visibility.

It is about access to the society of consummation.

It goes beyond cultural or national identities, beyond skin color, biology, male – female.. Gender issues. There is a kind of play (ludic) dimension, through games with oppositions, normative systems, cultural constraints… (see Michel Foucault and Dick Hebdige). By extension, it goes into debates, in France about the visible signs of cultural identity. For us, it is about exploring how these questions arise in practices of life and clothing for the young generations in France and in South Africa, and also in the cities where we are working, and contextualize them in a larger picture, as these practices are growing and circulate everywhere in the major cities over the world.

it is a matrix of knowledge, narratives, practices (…) all made through circulation (Jacques Rancière about Lores), underground circulations. It is about approaching people somewhere they are really interested in, almost everybody is interested in this, quite immediately, as these dress up codes and the meaning of style which goes with them are part of common games to everybody, and as body is still a potential of freedom, expression, imaginary territory, in a world where this freedom goes into higher constraints.

It is at least a way to approach the city, observe it from the point of view of it’s inhabitants (« people as infrastructure » says Abdulmaliq Simone), the way they occupy it, they live it : practices of the surface, of the appearance, theatricality of urban space as tactics and aesthetics. It is for us, through this, a way to question the notion of public space and the relation to audiences, spectators, here inhabitants of an area in territories where, most of the time, communities cross themselves more than they meet.



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