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STRASBOURG-NEUHOF#1
RENCONTRER#3
DES HABITANTS#1
Sovianka & Medhi

Medhi Ayadi et Sovianka Pavel sont amis et collaborateurs sur des projets audiovisuels, Medhi a créé il y a quelques années sa boîte de production, Afterlife studio, Sovianka et passionnée de photo et de vidéo. Nous les avons rencontré en 2019 à l’occasion d’Extraordinaire, Sovianka habitait alors la tour Ingold où François Duconseille a mené un projet de rencontre avec les habitants, Medhi produisait des vidéos pour l’Espace Django, il a été engagé pour réaliser un documentaire sur cette résidence des Scénos Urbaines. Après 4 années nous nous retrouvons au Neuhof et les invitons à venir rencontrer le groupe d’étudiants

Extrait des échanges publiés dans la revue Play>Urban n°6


MEDHI : j’ai ramené des trucs, piochés dans mon ordi, je fais tellement de choses que je sais pas comment me présenter. On fait la photo mais il y a une raison à ça. La photo a été un moteur pour moi, parce-que issu du Neuhof, problèmes de famille, la vie, l’angoisse, j’ai rapidement été dans le faire, pour ne pas me laisser bouffer, vendre de la drogue ou finir en prison comme beaucoup de gens de ma famille et de mes amis et du coup j’ai sublimé cette énergie négative en énergie positive. Vers 15-16 ans j’avais déjà ma petite caméra Sony, j’ai inventé un concept Youtube comique avant les autres, j’allais dans la forêt du Neuhof et je faisais des sketches, je fais du rap aussi. Et de fil en aiguille, j’ai commencé à me produire et à rencontrer des gens. J’ai fait du free style, j’étais le rapeur le plus rapide d’Europe, aujourd’hui je pense le plus rapide du monde avec 10 mots en 1 seconde [rires]. Je suis parti en Corse pendant 3 ans, j’ai travaillé chez Decathlon comme responsable du rayon nathation santé découverte sans diplôme, j’ai même pas le brevet des collèges. On m’a donné ma chance et c’est vraiment sur le tas, en travaillant, en recontrant, en en m’exprimant que les gens m’ont apprécié. Je suis revenu et j’ai monté ma boite vidéo, en 2016, je travaille à Django, dans les écoles, je fais des micro-reportages, des clips vidéo, une série, je fais un peu de drone, de la photo culinaire, ma passion c’est la photo animalière. J’ai travaillé avec Antoine de Caunes à la Meinau pour l’émission La Gaule d’Antoine. Et encore plein d’autres trucs, des documentaires pour Pôle Sud [lors d’Extra Ordinaire]. Je donne des cours vidéo aux enfants du quartier de Hautepierre et on va faire un documentaire vidéo sur la maille Eléonore. Encore plein de trucs. Je vais faire trois projets, un court métrage, sur moi, et un sur mon oncle devenu poète, surnommé le roi de la cavale. Il m’a beaucoup inspiré, m’a donné l’amour de la nature, il est peintre aujourd’hui, le gros projet c’est un documentaire sur lui, il avait fait 5 évasions à l’age de 19 ans. Sans violence, les magistrats l’ont félicité. C’est fou quoi, de pas faire de mal à l’autre et réussir à sortir du mal que la société nous fait. Et aujourd’hui, après tout ce parcours, il est poète et il habite à la campagne. C’est tout, je sais pas si j’ai parlé trop vite.

SOVIANKA : je viens du Neuhof, depuis toujours. Depuis que j’ai eu mon premier fils, je me suis mise à la photo, j’aime la photo parce-que quand j’étais enfant j’avais pas de souvenir de moi. Ma famille a pas de photo de moi quand j’étais enfant, je me suis dit que ça arrivera pas avec mes enfants, du coup je me suis mis là dedans. J’ai que que de la photo, et à un moment donné j’ai fait de la photo d’orages, c’est ce que je préfère, les éclairs. Je les avais exposés avec vous à Extra Ordinaire, comment je suis arrivée là je sais plus, avec Andreya Ouamba [chorégraphe congolais invité à Extra Ordinaire]. J’ai rencontré un autre photographe, il chantait, il faisait de la musique douce, roumaine, un peu pays de l’est, et donc on est partis là-dessus dessus, j’ai écouté ses chansons, et de là il a dit qu’il était photographe, qu’il faisait du modèle. J’ai commencé à toucher la caméra car il était en train de faire un film avec ma soeur, ils avaient pas tout le temps le matériel et le monde, du coup je me suis incrusté avec eux, et j’ai commencé à faire de la vidéo avec eux. Les gens avec qui il travaillait c’était pas carré et le plan a foiré et le film a jamais avancé, il est jamais sorti. J’avais incrusté Medhi avec dans le projet, on a lancé un nouveau film avec lui. On a fait quelques scènes dans un bar et on attend la suite.

MEDHI : on attend l’argent. Un film c’est une aventure. Il manque une scène et on a fini.

à propos de la tour Ingold

La tour, si, c’était bien, franchement.
C’est juste le bourdonnement [de la 5G].
Bon, la voisine était chiante, mais on est des vivants,
on est pas des morts.
Les gens du 1er, ils faisaient un carnage,
c’était plus possible de vivre avec eux,
on les a fait déménager,
on avait pris la tour dans les mains,
parce-que les gens commençaient à la dégrader,
nous on vivait dedans,
j’ai un petit garçon il va avoir que 10 ans,
il était petit quand on vivait dans la tour,
je voulais pas qu’il vive dans le caca,
dans le pipi.
Si on faisait pas la police les gens ne respectaient plus rien. Et donc du coup, lui [son mari] et mes fils
ils ont pris la tour dans les mains
et ca marchait droit le temps que j’y habitais.
C’est pas question de sécurité,
c’est juste, tu sais,
quand tu rentres chez toi,
il y a un tableau avec 40 boites à lettres,
tu arrives avec ton enfant et tes courses
et que tu vois le tableau entier avec du caca humain,
tu te poses des questions.
Tu peux plus rentrer chez toi
parce-que même le badge il marchait plus.
Ca commencait à se dégrader,
dégrader, dégrader,
l’ascenceur, les boutons des ascenceurs,

j’habitais au 7ème,
avec des courses, un petit, je pouvais pas monter 20 fois par jour,
du coup on a commencé à faire la police dans la tour.
Ca aidait la CUS,
les gens ne faisaient plus de dégats.
Ensuite ils sont venus nous mettre une antenne 5G
et elle a commencé à bourdonner,
bourdonner
et pendant environ 3 mois on a subi.
Elle était juste au dessus de notre tête.
Un membre de ma famille qui travaillait dans la boite m’a dit : déménage, tu vas avoir le cancer de la tête dans 6 mois.
Une semaine après sa mise en route,
les bourdonnements ont commencé
On les entendait jusque au 3ème étage.
Moi et mon fils on est montés sur
l’antenne, on a essayé de la casser, on a pas réussi.
On a fait venir la CUS, Orange,
je les ai mis avec moi dans le logement et j’ai dit :
vous bougez pas jusqu’à ce que vous compreniez ce que nous on subit. Ils ont dit : c’est pas possible, alors j’ai fermé la clef derrière eux
et je les ai pas laissés sortir, trois personnes.
Maintenant vous restez avec nous, s’il faut vous dormirez là. [rires].
Et franchement, 20 minutes après ils sont devenus dingues.
Elle a dit : je reste pas une nuit là dedans.
J’ai répondu : mais moi ça fait 3 mois.
Lui [son mari] il saignait du nez,
il avait la tête qui allait très mal,
et moi j’avais fait un AVC quelques temps avant.
Du coup c’était très dangereux pour ma survie.
J’ai été en dépression à CUS habitat,
à deux doigts de faire une crise cardiaque dans leur bureau,
parce-que je tenais plus la route,
et du coup ils m’ont fait déménager en vitesse.
J’ai pris un pavillon au Polygone.
Je suis chez moi, c’est mon monde.
Les autres ont pas voulu partir,
je leur ai dit : suivez moi, c’est le moment d’avoir ce que vous voulez. Ils ont pas écouté, ils ont pas voulu.
Personne voulait partir.
Je leur ai dit : en 2025 elle est arrachée [la tour],
et je vais pas attendre 2025, je serai morte.
J’ai fait des pieds et des mains et je suis partie,
en l’espace de deux semaines.

J’ai tellement fait un scandale que
du coup ils avaient pas d’autre choix.
Vu que j’avais un drone, j’ai dit, c’est pas grave,
je suis en train de faire un montage, je suis en train de prendre l’antenne,
je suis en train de tout prendre,
j’ai des enregistrements dans le téléphone, je pouvais les mettre dans le montage, on les entendait, à l’oreille on les entendait [les vibrations].
Et ils ont commencé à avoir peur, en fait.
Ils ont dit :
vous voulez quoi, vous voulez quoi ?
J’ai dit : il y a une maison 6 pièces au Polygone, je la veux !
Ils ont dit : pas de souci et ils me l’ont donnée.
Donc voila, je suis mentalement apaisé par rapport à ce problème.
Les voisins sont tous restés là bas,
il y en a beaucoup qui ont eu des problèmes de santé,
mais ils sont tous restés.
Personne a voulu déménager,
personne a voulu me suivre.
J’ai dit : venez, on y va tous ensemble,
c’est le moment que vous pouvez partir de cet enfer.
Et maintenant ils ont mis
que des sans papiers dedans,
dans mon logement,
maintenant il y a 2 ou 3 personnes différentes
qui habitent dans mon logement.
Une chambre est fermée à clef,
l’autre chambre fermée à clef
et c’est 3 personnes différentes.
Ils partagent le salon, la cuisine, les toilettes,
comme un foyer.
Comme ca c’est dans tous les appartements de la tour,
et c’est devenu un enfer.
J’ai revu Lucienne,
elle m’a dit c’est juste plus vivable,
c’est terminé,
tu peux plus mettre un pied dans la tour.
Voila, bonne chance à eux, moi j’ai pris ma chance.


pour la journée sur la place du Vercors Sovianka a sorti son drone, histoire de voir les choses de haut

 


 



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