Mayotte-Royaume des Fleurs
esquisser#20
Batoule Amdjadi
Un titre : la solitude de nos racines. J’ai choisi le bord de mer dans le vieux Pamandzi où il y a un arbre au milieu des maisons qui attire les gens du coin. C’est un espace sacré pour moi, qui m’apaise. C’est aussi l’arbre des pêcheurs qui y accrochent leurs vêtements et où ils stockent leur matériel. J’ai beaucoup échangé avec les étudiants strasbourgeois, qui m’ont aidé à faire un croquis de mon projet. Je voudrais créer dans cet endroit une expérience sensorielle.
Vendredi 24 et samedi 25 septembre, sur 2 après-midi et débuts sont présentés dans les espaces urbains et naturels de Grande Terre une série d’esquisses de projets (performances, installations, vidéos…) quelque chose d’un geste en devenir s’y lit. Les projets ne sont pas finalisés, comment auraient-ils pu l’être en 3 semaines de résidence alors que les étudiants de Strasbourg et de La Réunion venaient à Mayotte pour la première fois. Il leur fallait avant tout commencer à comprendre où ils mettaient les pieds afin produire des gestes suffisamment en résonance avec les réalités très complexes de l’ile. Certains projets devraient être poursuivis prochainement d’autant que certains étudiants nomment leur désir de prolonger un temps leur présence ici.
avec Joyce Hadassa et Tina Miradji
dessin Elise Jacques
Baandza la halé li dzugnuwa y trotro, li dzitsi y mizi asu ya yoné.
Wawé dé ulé a n’galyao ya maécha
Matso yao siri, ta u viriha ya maha Udzilisa na zi halé za wanadam
Utramia zi faraha, za rogonloi ma asubuhi.
Mihono yaho ukaribisa kila nafusi ya wondeha.
kuchindri wa dzamisa kila hadisi wi kiyao Ni fagné jéjé ta nim’dzitsié ulé a kodza
Shahidi wa ma hadissi ya kutroula Usama uju nay cima
Mizi ya buza yasu vulikya maji ya latsiha, Mahadisi ya walé wa virao vweindzé.
Harimwa y Pamandzi ya halé, Usona zi n’dzozi zawu wanadam hari mwa ch’tamba
Le vieux quartier grignote ta terre,
Cache tes racines à l’éternel
Spectateur de mille vies.
Ton regard invisible traverse les décennies
Tu te nourris de l’histoire des Hommes Gardien des secrets à l’aube murmurés Confession sur confession,
Tes bras accueillent les âmes tourmentées.
Tu es celui dont nul ne peut se cacher.
Comment se jouer de l’être aux sens entravés ? De celui à jamais estropié,
Figé dans la dalle bétonnée, tu es le témoin de l’Histoire écorchée.
Tes racines inversées écoutent, les échos assourdissants Les récits de vies fragmentés des passants.
Dans le vieux Pamandzi, ton histoire commence par un rêve. Un mouvement, un geste qui se répand dans l’espace invisible, S’enracine dans l’inaccessible.
De ta mine légère, tu esquisses la toile de tes visions.
Batoule Amdjadi
Je m’appelle Batoule Amdjadi. Je vis à Mayotte et je suis de Majicavo. Je suis fille de Rehema Youssouf Mohamed Rachid et de Amdjadi Said Ali. Je ne connais pas les noms de mes grands-parents paternels. Ma grand-mère maternelle s’appelle Mougoina Halidi et vit à Anjouan, à Mtsamoudou. Elle a voyagé à Madagascar, à Mohéli, à la Grande Comore. Mon grand-père était douanier à Mayotte. Il a prêté serment à Mamoudzou. Il s’appelait Youssouf Mohamed Rachid. Mes parents ont fait leurs études à Madagascar, puis ils sont venus à Mayotte en Kuassa. Au début pour moi, Mayotte était un lieu de passage. Je ne voyais pas Mayotte comme chez moi. Ici on te fait sentir que tu n’es pas chez toi. Ma culture est autre mais je ne la connais pas. Aujourd’hui Mayotte est mon lieu de vie. J’y ai tout construit.
Le Royaume des fleurs est un lieu où je peux être moi. C’est d’abord mon lieu de travail, mais c’est aussi un lieu de création où je peux expérimenter et oser sortir de ma tête pour concrétiser mes idées. Ce lieu m’aide à grandir par l’échange.