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LE MARCHÉ DE LA MEINAU
Paul GOSSET

Je déplace de l’eau d’ici à là, cela ne fonctionne pas.

Je déplace de l’eau d’un sceau à un autre mais l’eau se rééquilibre en permanence entre les deux sceaux, c’est absurde mais provoque des réactions ; «C’est le marché ici pas la Nasa, le niveau il est là» m’a dit Sliman en mettant sa main proche du sol. Je ne partage pas cette considération, mais elle nomme des questions qui me travaillent : Avec qui nos actions dans le marché rentrent-elles en dialogue ? Et quel est ce dialogue ? Mon objet et mon geste sont un point de contact et de partage avec les gens du marché. 

J’ai déplacé de l’eau pendant une heure de 8h30 à 9h30 le Jeudi 15 mars.

Les employés de Auchan qui prenaient leurs poses clope m’ont aidé à remplir mes sceaux. 

On m’a dit que je perdais mon temps, j’avais du temps à perdre. 

Le dispositif perturbait le plus souvent l’attention des passants, mais il ne provoquait pas toujours la discussion. 

Sur un ton de demi-humour, on m’a dit que le monde allait mal lorsque j’expliquais ce que j’étais en train de faire. 

Sliman m’a dit que les gens me prenaient pour un fou ou un drogué. 

Des gens m’ont donné leur avis sur l’art car je leur ai demandé. 

On m’a parlé d’islam. 

«L’art c’est l’amour, c’est les montagnes, c’est tout, c’est la vie» réponse du «non spécialiste» (il s’auto-qualifiait ainsi). 

On m’a dit de mettre un poisson rouge dans mes seaux. 

Plusieurs fois on m’a dit «ça me fait réfléchir». 

On m’a dit que je faisais un jeu d’enfant. 

Finalement au bout d’une heure les placiers sont venus me voir pour me demander ce que je faisais. Comme pour les autres, mon explication était un peu floue et absurde. Ils n’ont pas réussi à déterminer clairement ce que je faisais, mais ils décrétaient que je faisais autre chose que du commerce, ce qui était interdit ! Ils ont également évoqué l’idée que je puisse gêner le commerce de mes voisins. Ce qui m’a finalement fait partir. 

J’ai déplacé de l’eau pendant une heure de 11h à 12h le Jeudi 22 mars. 

Les employés de Auchan qui prenaient leurs poses clope m’ont aidé à remplir mes sceaux. 

Je n’étais pas placé au même endroit dans le marché (je me trouvais entre deux marchands face à pôle sud). 

Il y a eu moins de discussions, j’ai observé d’avantage les micros-interactions entre les passants et mon dispositif. 

Il y avait des regards, certains fuyants, d’autres insistants. Des sourires. 

Plusieurs mamies m’ont regardées, m’ont données un sourire et m’ont dit «c’est bien». 

On m’a dit que j’étais courageux. 

Un monsieur a traduit mon explication à son ami qui ne parlait pas français. 

Un autre m’a parlé de son travail comme technicien dans une usine.

Le marchand de droite faisait des blagues à propos de mes seaux d’eau à ses clients. 

Je n’ai pas eu d’interaction avec le marchand de gauche. 

Les gens qui attendaient le bus me regardaient et semblaient commenter ce que je faisais, certains s’en amusaient

 



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