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STRASBOURG-NEUHOF#1
RENCONTRER#1
GUY GIRAUD
QUESTIONS URBAINES

Extrait de l’échange avec le groupe d’étudiants, l’intégralité de la rencontre est à lire dans le n°6 de la revue Play>Urban consacrée à la résidence du Neuhof de mai 2023

FRANÇOIS : la rencontre est le fil de cette résidence, autour d’enjeux de parole. Faire sortir des paroles, celles des gens qui ont du mal à vivre. Une lourdeur liée aux difficultés de la vie, d’où quelque chose qui a besoin de se dire. Quand cela sort, c’est important. Lorsque je suis allé voir Sovianka [ancienne habitante de la tour Ingold, avec qui François a travaillé en 2019 lors de son projet pour Extra Ordinaire], j’ai passé 1h30 avec elle. Elle parlait du problème de l’antenne 5G installée sur la tour Ingold, la vie infernale liée à cela, comment trouver un autre logement, comment on se bagarre, comment le logement mis à disposition à la cité du Polygone est saccagé par les voisins car il vient d’être refait. Des tas d’histoires lourdes. Et l’importance d’en parler.

GUY : je suis d’abord là pour vous écouter et entendre comment vous approchez ce type de territoire stigmatisé par les médias, les politiques. Vous écouter et, via cette discussion, donner un autre éclairage à ce territoire qui a pour moi énormément de valeur, urbaine, sociale. La question de la parole est compliquée. Si vous interrogez les gens ils vont vous dire ce que tout le monde sait. C’est le premier niveau. Ce n’est pas celui qui va intéresser ceux qui interviennent sur un territoire.

FRANÇOIS : La plainte ?

GUY : l’espace public, les logements…

FRANÇOIS : Oui.

GUY : comment passe-t-on à un niveau plus intéressant pour travailler. Comment entendre au-delà de ce qui est dit, ce que les gens attendent réellement. Des universitaires ont travaillé avec des gens d’Emmaus, ils ont mis un an et demie avant de mettre la même chose qu’eux derrière les mots. On est tous des humains mais on a pas les mêmes vécus, les mêmes expériences. Il ne faut pas confondre les éléments, sinon on arrive à des choses qui à la sortie ne marchent pas […]. L’écoute est fondamentale. D’abord on ne pose pas de questions, on arrête de penser que ce qu’on voit c’est ce qui est juste. On écoute ce que les gens disent, on écoute le bruit de la rue, comment les choses circulent… Et puis il a le sentir, le percevoir. Arrêter de privilégier la vue pour faire rentrer d’autres perceptions. Ne posez pas de questions. Pour discuter on a un thème ou deux pour lancer la discussion. Mais on se tait et on écoute. Il va y avoir des moments de silence et il faut apprendre à écouter ces silences. Si vous laissez se déployer ces silences, la personne va commencer à dire des choses au-delà de la parole courante. Le silence est riche de compréhension. On se tait, et… Après il faut le supporter. On a toujours peur, on ne sait pas, etc. Les gens qui savent très bien travailler cela ce sont les psychanalystes. Ils se taisent. Nécessité du silence, c’est un premier élément.

Le second, quand on fait des choses avec des gens, il y a quelque chose qui se joue. On le voit avec la JEEP. On a mis en place des chantiers éducatifs : il s’agit, avec des jeunes très destructurés, de les habituer à travailler avec d’autres, à respecter des consignes, etc. On fait de la peinture, on débroussaille des choses, arranger les vignes, etc. C’est une question d’être. Et c’est pas simple. Or que disent les éducateurs et les jeunes ? On a discuté de choses qu’on aurait jamais discutées autrement. Le fait de faire ensemble, de produire. Vous faites des choses et vous avez une compétence, mais les jeunes aussi en ont une. Il y a une inversion qui se fait et les jeunes apprennent des choses aux éducs. Ils savent organiser le chantier, ranger les outils… Tu fais pas comme ça, mais comme ça, comme ça… On leur donne une place. Ca nous change aussi, ce n’est pas à sens unique.(…)

(…) GUY : vous avez combien de temps [rires]. Premièrement, il y a les réseaux de solidarité. Pendant le Covid ils étaient plus importants que dans le reste de la ville. Naturellement les gens ont pris en charge. Des soupes à la musique sur les balcons. Les gens chantaient le soir aux balcons. On garde les enfants les uns des autres, on répare la voiture du voisin, on peut décliner toute une série de choses qui rendent la vie possible et agréable. C’est pas bisounours pour autant mais ce sont des questions importantes. C’est une économie qui existe, elle permet aux gens de tenir. Il se joue là des choses importantes, qu’on essaye de reconstituer ailleurs sans y arriver : une communauté. C’est pas tous avec tous, c’est un imeuble avec un autre immeuble, c’est des réseaux. On a quelque chose d’intéressant à bien identifier. Si on casse cela, on déstabilise les gens.

(…)



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