Séminaire sur « l’espace public » – Octobre 2013
avec Emeline Bailly
notes prises lors du séminaire :
Peut-on appeler l’espace urbain dans lequel on travail « espace public » ?
Et peut-on travailler la notion d’espace public dans des contextes non-européens ?
un renouvellement urbain c’est faire de la ville sur de la ville c’est très différent de l’idées de villes nouvelles.
Aujourd’hui y a-t-il une homogénéisation des villes ? Quel est l’impact de la globalisation sur la notion d’espace public ?
QU’EST-CE QUE L’ESPACE PUBLIC ?
Est-ce une forme spatiale ? Une composition urbaine ? un statut ?
Qu’en est-il des parcs ? des jardins ? des pelouses sans composition urbaine ?
L’espace public n’est pas une notion évidente, quelques exemples révèlent ses ambigüités :
Il y a les « Barbacans » à Londres : les Barbacans sont des jardins qui se trouvent au milieu d’un lot d’appartements bourgeois, ils sont à priori accessibles à tous sous condition de passer certains seuils. Il y a donc une confusion pour définir la statut de ces Barbacans. Est-ce un espace public, privé, semi-privé ?
Il y a aussi l’exemple de la sky-line à New-York, un équivalent newyorkais de la coulée verte. Sachant que c’est une entreprise privée qui s’occupe de l’entretien de cet espace et de son contrôle, peut-on dire que c’est un espace public ?
Qu’en est-il des jardins collectifs ou partagés ?
Exemple des cités jardins, c’est au départ une notion anglaise : le common. Le common est un espace partagé pour une communauté et non pas par l’ensemble des citoyens.
Qu’en est-il des autoroutes ? Est-ce ce qu’on a l’habitude d’appeler un espace public ? L’autoroute est un flux, une possibilité d’être projeté vers un ailleurs.
Depuis un point de vue français et même européen, l’espace public est entretenu par l’Etat.
Si l’on prend l’exemple de Time Square l’espace est contrôlé en partie par la police municipale mais aussi par les vigiles des centres commerciaux.
L’espace public est-il accessible à tous ? libre ? Peut-on l’occuper ? (cf.flash mob) Est-ce un espace d’usage ? (cf.marché, foire) Un espace de sociabilité ? Un espace urbain ? Est-ce un espace ouvert aux activités informelles ?
Par exemple le Zuccoti Park à New-York qui a été occupé par les indignés était un parc privé et donc ne pouvait être évacué qu’à la demande du propriétaire.
A Téhéran les gens développent des activités collectives dans des espaces privés.
L’espace public est donc une notion floue, sujette à interprétation. De manière générale elle se traduirait par un espace politique aménagé et pratiqué par l’ensemble des citoyens.
la notion de PUBLIC :
D’après Richard Sennet
– au XVème siècle en angleterre c’est le bien commun
– au XVIIIème siècle en France c’est la société de cour, les personnes proches du roi de France
– au XIXème siècle avec l’émergence de la notion d’individu, l’espace public est l’espace politique des citoyens qui favorise la confrontation.
Selon Hanna Arentd les origines de l’espace public sont à chercher dans la cité grecque. Elle parle alors de sphères publiques ou privées.
Pour Jürgen Habermas c’est une notion apparue au XVIIIème dans les salons bourgeois, c’est à dire en opposition au roi avec la publication de certaines idées et favorisant les confrontations d’idées.
Les urbanistes de France considèrent que depuis les années 60, la notion d’espace publique est utilisée en tant que forme spatiale fonctionnelle et publique.
en géographie : l’étendue où s’exerce un ensemble de relations physiques
géographie humaine : statut public en opposition au privé
architecture : espace de composition urbaine, pensé, conçu, aménagé.
sociologie : lieu d’appartenance à un groupe, un lieu d’identité de soi.
sciences politiques : sphères publiques, expression politique. Représentation civile et citoyenne
artistique : projections, rêves, imaginaires
Selon Michel Lussault dans L’homme spatial, c’est un « espace sociétal »
Selon Michel De Certeau, l’espace devient un lieu quand il est aménagé et pratiqué.
D’après Hanna Arendt (1956) « le lieu est ce qui nous est commun, c’est à dire cette possibilité de tous les hommes de percevoir le monde, au-delà des différences de regards. L’apparence constitue la réalité, « ce qui est entendu par autrui comme par nous-mêmes « . »
Le public représente alors le monde par lui-même. Il se matérialise par l’action (praxis) de la parole (lexis)
Les espaces publics seraient sujet et expression de la réinterprétation continue du monde en tant que ce qui est le commun des hommes.
L’espace public n’est de cette manière pas le lieu qui façonne l’homme commun mais au contraire le lieu commun des hommes. Il rend visible le monde vécu dans ses différences, qui permet de maintenir l’idée d’un espace commun dans le temps et dans ce sens donne une existence à un monde commun.
C’est un espace réel et idéel.
Il est intéressant de noter en anglais la différence entre street (espace vide entre les trottoirs) et road ( espace de liaison)
En 2003 Henri Maldiney associe l’œuvre d’art au rien, au vide. Du vide émerge : l’expérience de l’être au monde, des hommes qui composent leur espace, les imaginaires peuvent se déployer.
Reconnaître cette possibilité d’interprétation permanente des espaces publiques implique qu’ils soient :
– suffisamment ouverts pour être interprétés
– que les hommes soient autoriser à les projeter
Les notions de collectif, public et commun sont à distinguer :
commun : ouvert à une communauté
collectif : notion de relationnel sans forcément d’appartenance
EST-CE UNE NOTION OCCIDENTALE ?
Première ville avec des rues : UR en Mésopotamie.
En Europe la ville repose sur un mythe et elle est profane. Mythe : Caïn fonde la première ville, Hénoc, à l’encontre de Dieu.
La tour de Babel : suite à sa construction, Dieu sépare les hommes en créant les langues.
sous l’empire Grec : ville = polis, au sens de « politique qui distingue des barbares. L’Agora deviendra l’archétype de l’espace public.
sous l’Empire Romain : la ville de Urbs exprime la civitas = notion de politique, de gouvernement et de confrontation. Elle est construite selon un plan en damier autour deux axes principaux : la cardo (N-S) et le Decumanus (E-O). Le forum est la place centrale.
Au Moyen-âge la ville ne repose plus sur le lignage mais sur les corporations. Concept de la ville nouvelle, la Bastide : » Les bastides furent toutes fondées a novo, d’un seul jet, à une date précise, sur un plan préconçu, généralement uniforme, et cela dans la période d’une centaine d’années (1250-1350) » (Alcide Curie-Seimbres)
A la Renaissance, les places publiques deviennent un décor d’architecture
La ville Baroque reprend le vocaublaire de la Renaissance de façon théâtrale pour magnifier le pouvoir de l’église. On joue sur la perception.
Au XVIIIème et XIXème, on joue sur une certaine représentation du pouvoir.
Haussmann en 1860 : il travaille sur la visibilité de la capitale, son assainissement, faciliter la circulation et se donner les moyens de maîtriser les révoltes. Il fait donc des percées, et des compositions urbaines à bas de rue, îlot et parcelle, il instaure un certain nombre de normes d’architectures et de mobiliers urbains et met en place le principe des promenades urbaines sur les boulevards.
Le Corbusier instaure la Charte d’Thènes (1933) qui est devenue une des bases de l’urbanisme fonctionnaliste des grands ensembles de l’après guerre. Dans celle-ci il prévoit des espaces libres au sol en défendant l’idée de redonner du sol aux hommes. Cela donne lieu aujourd’hui à des espaces non qualifiés, parfois décriés.
La notion d’Espace Public n’est pas adoptée hors des pays occidentaux.
Par exemple au Maroc, la notion d’espace public n’est pas utilisée, on parlera plutôt d’espace commun qui se fonde sur d’autres pouvoirs que le politique. La Mosquée est l’exemple d’un espace collectif à grande valeur symbolique. Les lieux sacrés sont généralement privés, voir intimes, ils sont entourés par des espaces de limites, de séparations, des murs, des jardins, des haies. Les rues publiques sont des lieux profanes : zquag et souika.
La notion d’espace public est assez rapidement critiquée par les théoriciens marocains qui y voient une occidentalisation. Ils parlent d’espace commun, urbain ou collectif.
En Iran il y a une forme cosmogonique de l’espace urbain. Il n’y a pas de distinction ville campagne. Les villes iraniennes sont en fait une succession d’enclos qui protègent la vie intime; une série d’espaces centraux, des lieux de rassemblement qui sont ouverts au ciel et protégés par l’espace intime des hommes. Ces emboîtements d’espaces traduisent une forme cosmogonique de représentation du monde. Il y a une distinction entre le monde social dans les espaces collectifs et la vie céleste dans les habitation, fait par une espace de transition, le harim (la peau)
Si on prend la notion de Arendt on peut parler d’un certain espace public dans des villes non occidentatles.
petit rappel wiki sur Hannah Arendt :
La pensée d’Hannah Arendt est avant tout une nouvelle conception de l’action politique, développée dans Condition de l’homme moderne et La Crise de la culture. Loin des traditionnels liens établis entre théorie et pratique, selon lesquels il s’agirait de comprendre le monde pour ensuite le transformer, elle pense l’espace public comme un lieu fait de fragilité car continuellement soumis à la natalité, c’est-à-dire à l’émergence de nouveaux événements. Elle a tout à la fois étudié les conditions historiques de disparition d’un tel espace public (en particulier dans Condition de l’homme moderne avec la question de la sécularisation et de l’oubli de la quête d’immortalité), et les événements qui indiquent de nouvelles possibilités (en particulier dans son Essai sur la révolution). Elle distingue et hiérarchise selon leur ordre d’importance trois types d’activités qui caractérisent la condition humaine : le travail, l’œuvre et l’action. Son analyse de l’espace public repose sur la distinction conceptuelle entre le domaine privé et le domaine public, chacune des principales activités de l’homme devant être bien localisée, sans quoi ce sont les conditions de possibilité de la liberté humaine qui ne sont pas réalisées. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’elle critique la modernité, en ce que justement celle-ci serait caractérisée par la disparition d’une véritable sphère publique, par laquelle seulement l’humain peut être libre. Ces propositions au sujet de la nécessaire distinction entre ce qui doit participer de la vie privée (« l’idion », qui se déroule dans l’« oïkos », la maisonnée) et de la vie publique (« koinon », qui se déroule au sein de la « polis », sphère publique lié à la communauté politique) s’inspire principalement de l’expérience sociale et politique de l’antiquité grecque et romaine, en lesquels elle perçoit l’origine de ses répartitions, et par suite de l’expérience de la liberté, entendu comme participation à l’activité politique et donc à la vie publique.
Des espaces en perte de sens dans le contexte de la mondialisation ?
On remarque une globalisation partielle avec des objets standardisés, des quartiers spécialisés. Cependant chaque fois c’est un peu adapté, transformé, chaque espace est finalement perméable à la culture.
La ville spontanée se développe plus vite que la ville formelle :
PEOPLE AS INFRASTRUCTURE
Une manière de dire l’espace urbain, non pas par les bâtiments mais par les gens. La manière dont les gens agissent, occupent l’espace.
Comment ces choses immatérielles, la dimension de fiction et d’imaginaire, construisent des villes ? Concept de la « ville mentale ». On peut lire de cette manière toutes les pratiques concrètes de la ville. C’est phantasmé mais c’est réel et ça crée de l’espace urbain.
METROPOLISATION, LA FIN DE LA VILLE ?
La ville contemporaine selon Henri Lefebre est un « espace générique, irrigué de réseaux sans limites »
Selon Mangin la référence à la ville n’aurait plus lieu d’être et il serait plus juste de parler de « condition urbaine »
Michel Lussault, lui par le d’espace lisse, espace déshumanisé.
Marc Augé a conçu la notion des « non-lieux », un « nulle part » codifié, sans lien à l’histoire, sans identité, laissant les expériences et pratiques à minima.
Beaucoup d’auteurs américains parlent de la privatisation de l’espace public, notamment Sharon Zukin qui parle du local market.
Exemple du quartier de Bercy et de la reconstitution de rues « traditionnelles » organisées selon la logique urbaine des centres commerciaux.
Exemple de la politique des bonus à New-York. Chaque bâtiment construit par un privé doit prévoir un rez de chaussée public, accessible à tous les citadins. Toute une stratégie s’est alors mise en place pour que le public qui y passe soit restreint, que l’usage de cet espace soit limité au maximum.
Selon François Asher « la globalisation réveille le local » il y a un double mouvement de métropolisation et de retour au local.
Setha Law parle de vernacularization.
Exemple des jardins partagés : phénomène présent dans beaucoup de villes dans le monde
usages spontanés : exemple des chemins qui se créent à force de passage; on les ppelle les chemins de lapins
On remarque un réinvestissement de la nature car ça n’est pas un espace surveillé.
individuation : personnalisation du rapport à l’espace urbain, expériences individuelles du monde.
Alain Bourdin parle de « civilisation des individus »
Berger Peter et Cuckman Thomas d’un monde intersubjectif que je partage avec les autres »; La question de la perception individuelle y prend toute sa place.
La notion d’ubiquité se fait de plus en plus présente avec le réseau social sur internet. Quel impact sur la réalité ? Internet n’est pas atopique, c’est une strate sociale en plus de l’espace public.
ql’accueillance : ce que les lieux contiennent comme réceptivité de l’autre.
citadinité : plaisir de vivre en ville
civilité : désir de vivre ensemble
citoyenneté : envie d’agir ensemble
Aujourd’hui, plutôt que d’espace public, ne faut-il pas plutôt parler d’urbanité ?
Exemple du cas Atlantis Yard, un quartier d’affaire créé à Brooklyn avec la mise en place d’un grand jardin à l’intérieur des buildings. Ce projet suivant la logique des « superblock » fut contesté par les habitants qui défendaient la « streetscape » et la « streetlife ». Ils firent 7 contre propositions.
Les rêves des hommes, les perceptions sensibles, imaginaires, les idéaux sont dès lors susceptible d’être créateur d’urbanité. Cela induit de ne pas séparer le rationnel de l’imaginaire.
Imaginer, rêver est un acte de l’esprit, d’appréhension du monde par les sens; Bergson et Deleuze considèrent les « percepts » comme éléments de connaissance.
La perception peut devenir un mode d’aborder le réel et donc de la construire aussi.
L’enjeux dans les espaces d’urbanité est-il de remystifier les lieux? Comment ces mythes peuvent-ils permettre d’apporter une urbanité, un sens, une mémoire … ?
Cela induit une conception qui repose sur :
-les imaginaires passés, présents, futurs,
– les usages et perceptions individuelles et collectives
-les paysages proches et lointains ; conscience et représentation du monde
– l’activation des sens : l’air, la lumière, les volumes, les matériaux, les horizons, l’émotion, l’expérience sensible des lieux
– l’accueillance : usages (mobilier urbain, trottoirs, bancs, lampadaires, terrasses de café;;;) et possibilité d’agir
– la composition entre le dedans et le dehors, les pleins et les vides, avec une attention aux espaces de transitions : façades habitées, seuils, etc…
liens entre l’art et la conception des villes.
Eléments de contexte : politiques culturelles, nouveaux courants artistiques dans l’espace public, comment l’urbanisme interfère aujourd’hui. L’art est de plus en plus plébiscité dans la formation de la ville.
Le marketing territorial > paris plage de Jean Christophe Chobelet.
quelques exemples et références :
friche belle de mai, Mains D’oeuvre, Gare franche,
ici-même Grenoble (+ participatif)
Komplex Kapharnaum (+ artistique)
Thierry Payet > cartographie sensible
www.smartcity.fr/smartmap-en-construction / l’art comme support de contestation
le bruit du frigo > la concertation