Seminaire fondateur – mai 2011
Notes de travail préparatoires
Notes de travail préparatoires au séminaire de mai 2011 / URBAN GAMES
Francois Duconseille, Eléonore Hellio, Jean-Christophpe Lanquetin
Ce document était destiné aux invités du séminaires qui suivait les trois journées d’expérimentation dans la ville.
Voir le contenu de la séquence ICI.
Ce document de travail est une synthèse partielle des axes de réflexion engagés dans le cadre de la préparation d’Urban Games à Strasbourg. Il a été élaboré collectivement par François Duconseille, Eléonore Hellio et Jean-Christophe Lanquetin entre février et mai 2011. Il tente d’articuler les axes de recherche qui nous intéressent.
Nous vous le soumettons en tant que tel et dans son état d’élaboration partiel. Afin que vous puissiez nous faire des retours, poser des questions, etc.
Ce document n’a pas été discuté avec les participants sud africains. Il n’est donc que l’une des composantes sur lesquelles nous souhaitons discuter. Les différences d’approche, les écarts qui ne manqueront pas d’apparaître entre les pistes développées ici et les pistes développées à Johannesburg, mais aussi assez rapidement à Bucarest ou Kinshasa, sont l’un des enjeux des débats de la session de mai 2011.
1. Espace public.
Ce qu’est l’espace public aujourd’hui dans les grandes villes du monde est la question au centre du projet Urban Games. Nous souhaitons nous interroger sur la manière dont l’espace public évolue en lien avec les multiples phénomènes et transformations à l’œuvre dans l’espace urbain des villes contemporaines et en articulation avec leur dimension hétérotopique (réseaux, ville augmentée, etc.).
Ce qui nous intéresse est la notion d’espace public à la fois dans sa dimension historique avec sa filiation principalement européenne issue des lumières mais aussi et surtout dans ses aspects les plus contemporains. Les textes d’Hannah Arendt, autour de la notion de sphère publique, ceux de Jürgen Habermas… et dans une approche plus contemporaine ceux de penseurs comme Oskar Negt, L’espace public oppositionnel, nourrissent nos réflexion. Dans le cadre de ce projet multipolaire, il nous paraît important d’être très attentif à cette filiation afin d’interroger sa pertinence en tant que concept et pensée, familière en Europe, de « l’en commun » de la ville dans un contexte post colonial que nous pourrions élargir à toutes les grandes villes du monde. Peut-on regarder la rue kinoise en parlant d’espace public ? Idem de la rue à Tokyo, Delhi… C’est évidemment possible s’il y a simultanément la conscience qu’un écart s’installe, ouvre à d’autres manières de poser la question de l’espace public. Ce point pourrait être un enjeu de recherche dans le cadre d’Urban Games. Cette notion d’espace public, utilisée abondamment notamment par les créateurs contemporains en Europe, ne deviendrait-elle pas un peu obsolète au vu du monde tel qu’il change et se complexifie ? Ou, dit autrement, quelles notions alternatives, émergeantes à la notion d’espace public ? Comment évoluent-elles, quels autres concepts s’inventent pour dire cet espace commun qu’est la ville. Comment nommer l’en commun de l’espace urbain à Kinshasa, par exemple ?
Schématiquement, trois évolutions (mutations ?) de fond, à l’œuvre dans les villes contemporaines nous intéressent particulièrement en ce qu’elles interrogent et déplacent cet « en commun » de l’espace urbain :
> La « dubaïsation », la gentrification, les logiques uniformisantes à l’échelle mondiale, la recherche du lisse, du « zéro aspérités » (on pense ici par ex. au texte d’Hannah Arendt sur les frottements de points de vue dans l’espace public : « La réalité du domaine public repose sur la présence simultanée de perspectives, d’aspects innombrables sous lesquels se présente le monde.»). « Entre soi » d’un capitalisme mondialisé qui modélise la ville (et la vie) à ses besoins et à ses moyens, avec les référents et modèles esthétiques que cela comporte. Cela va de pair avec des logiques d’exclusion, de contrôle et de privatisation de l’espace commun (devenir camp des villes, vidéo surveillance, police, « gated communities »…).
> Les pratiques de vie des gens, en particulier les pratiques créatives (développées plus loin à propos de « people as infrastructure »), l’invention d’espaces par les habitants. On nomme ici notamment les « agir » urbains, les pratiques des habitants qui consistent à se structurer, développer ensemble leur propre environnement. Ces multiples modes de résistances aux logiques de planification ou d’exclusion propres à de nombreux agendas urbains. Résistances collectives, plus ou moins organisées, mais aussi micro résistances individuelles, voire intimes. Comment cette échelle des individus génère de l’urbanité. ?
Car les villes sont aussi un énorme réservoir d’inventivité et de diversité, de possibilités de création.
> La « muséification » des villes européennes dont Strasbourg est un exemple. Ou comment on se retrouve avec d’un coté une ville historique, très belle, de plus en plus protégée. Or cette protection (qui s’accompagne de multiples dispositifs de contrôle et de lissage) a pour conséquence de figer la ville ancienne, de la transformer en musée, au mieux, et au pire en décor avec toutes les caractéristiques du faux, rejoignant en cela les questions que nous évoquons plus haut sur la « dubaïsation ». Et de l’autre, conséquence spatiale logique d’une histoire de la ville en Europe construite historiquement autour de l’idée de centre, la question de la banlieue, des périphéries, et ce que génère ce rapport entre centre et périphérie. Dans le cas de Strasbourg, l’enjeu est particulièrement intéressant car on a actuellement affaire à une volonté de la part de la municipalité, de retourner cet enjeu, de modifier cette logique spatiale installée en développant les bordures de la ville, en en modifiant un de ses axes historiques (vers le centre et vers la France), au profit de l’autre (vers l’Allemagne – la dynamique urbaine de Strasbourg a toujours été tiraillée entre les deux). C’est en direction du Rhin qu’aujourd’hui les nouveaux quartiers de la ville se développent.
Cela situe un « champ de tensions », de rapports de force que nous souhaitons explorer. Un prisme à travers lequel nous souhaitons aussi interroger la situation d’une ville comme Strasbourg, en lien avec l’émergence des nouvelles formes d’urbanité de par le monde. Il semble en effet que l’on s’éloigne à grande allure du modèle référent de LA ville, entendre européenne. Ceci dit, ce point est une affirmation qu’il faudrait creuser, car le modèle de la ville européenne n’est il pas, simultanément à sa « disparition » annoncée, un modèle qui essaime, qui mute, pourrait-on dire à l’échelle mondiale ? (combien de textes sur la ville au fond nostalgique de cette disparition et inquiets de ce qui mute ?). L’un des enjeux d’Urban Games est de se situer dans un « va et vient » entre Strasbourg (où se situe l’ESAD), parmi les villes européennes dans lesquelles nous avons nos référents urbains (Paris, Lyon, Zurich, Londres…), et la « mondialité » des villes. Il y a là un enjeu local, qu’on oublie trop et qui se doit d’être central, une participation via des actes d’artistes, des interventions, des axes de recherche, à la réflexion sur la dimension d’espace public des espaces urbains strasbourgeois. Cette formulation n’est pas à prendre comme une polarisation nord-sud déguisée. Il s’agit simplement du fait que le projet se construit en lien avec un contexte historique et géographique précis et que l’on s’attache à l’interroger. Mais (et c’est l’enjeu majeur d’Urban Games) en élargissant la focale, en travaillant à d’autres échelles, en croisant d’autres référents (qu’européens) en matière d’espace urbain.
En s’inscrivant dans un contexte post-colonial et multipolaire.
2. Urban Games est un projet d’artistes dans la ville.
Il interroge la place, le rôle des artistes et les modalités de leurs interventions dans l’espace urbain. Quels espaces investir, comment les investir… Quelles articulations avec les acteurs de la vie publique, aussi bien les habitants que les institutions. Quels sont les « modes » d’intervention d’artistes que nous voulons défendre, privilégier, étudier ?
On pourrait par exemple situer le « rôle » de l’artiste dans la « production », l’invention d’espace public (nommé ainsi ou autrement, voir plus haut). Ce pourrait être une question centrale des actions et projets Urban Games, à Johannesburg 2012 et Strasbourg 2013. A partir de cette notion, comment le regard et les interventions des artistes, en articulation avec les autres acteurs de la ville, à commencer par les habitants, « dégagent » de l’espace public là où il y en a, ou pas, ou plus, ou pas encore… On peut aussi parler de dispositifs de création, manière d’éviter ce distingo toujours étrange de qui est artiste et de qui ne l’est pas, en particulier en matière d’agir dans d’espace urbain. Tactiques pas forcément à grande échelle, pas forcément très visibles, voire invisibles, mais qui investissent la ville, la travaillent de l’intérieur, politiquement, inventent des résistances, des alternatives. Même interrogation sur le « rôle » de l’artiste (créatif ou créateur ?) avec cette fois les acteurs institutionnels, en premier lieu les municipalités, acteurs de la politique de la ville. Question des échelles, des rapports de force, de frottement, de jeu, de consensus, de qui est acteur de la ville.
3. Axes de recherche.
> « people as infrastructure »
> « game-gaming »
> « Urbang » réseau
>« De la théâtralité au théâtre des opérations »
> « People as infrastructure » est un concept développé par le sociologue Abdoumaliq Simone qui concerne essentiellement la vie dans les mégalopoles et les grandes villes Africaines dont on trouve des résonances dans toutes les grandes villes du monde où les populations élaborent des tactiques de survie face à la mondialisation économique ou face à la désintégration des infrastructures urbaines. A.Simone considère les systèmes d’invention collective des citoyens comme constitutive de la ville (et non l’architecture) et déplace notre regard vers des pratiques singulières et complexes dans un contexte postcolonial ou à forte densité d’immigration (diasporas).
Nous nous intéressons à la dimension inventive de ces pratiques de l’espace urbain ainsi qu’à leur dimension spectaculaire, performative ou esthétique et à la manière dont elles s’articulent à des questions sociales, culturelles et politiques. Cela nous permet d’interroger l’imaginaire spécifique de ces nouvelles solidarités créatives, leurs impacts sur l’espace public et leurs limites. Il s’agit de comprendre comment ces nouvelles formes de citoyenneté et de communautés reconfigurent, occupent et imaginent la ville et comment nos pratiques d’artiste peuvent interagir au sein d’un espace où les corps déterminent l’infrastructure urbaine. Nous serons également amenés à réfléchir à la notion d’identité et aux divers « tissus rhizomatiques » qui la traverse (le virtuel, le genre, la créolisation, le postcolonial…).
> « Games versus gaming » est un débat qui a émergé en filigrane lors de discussions à Johannesburg et que nous souhaitons reprendre et amplifier. La dimension du « jeu » dans le projet (et dans le titre), pouvant aller vers des directions assez différentes. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’opposition entre stratégie et tactique et aux différents rapports de pouvoir qu’elles génèrent dans la cité et la vie quotidienne (en référence aux écrits de Michel de Certeau dans « L’invention du quotidien – Art de Faire »). Nous nous sommes aussi attelés à l’art-jeu de Fluxus avec ses inventions et des-inventions d’objets, ses actions et ses manifestations artistiques dans l’espace public qui s’appuient sur une « économie poétique » et « une écologie participative » en renouvelant la notion d’oeuvre en processus de création ludique et permanente : “l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art” (Robert Filliou)… Considérant le jeu comme un principe d’exploration d’autres mondes par la transgression des frontières entre différentes pratiques artistiques, cultures et systèmes de pensée… Mais aujourd’hui la densité et l’intensité des nouvelles réalités urbaines nous confronte à un contexte de plus en plus contraignant qui rend la dimension utopique du jeu dans l’art des années 60 plus acide. Une relecture s’impose. La dimension ludique se transformant aussi peu à peu en « gamification » néo-libérale et globalisante via la virtualisation du social ou en systèmes alternatifs indispensables comme dans « people as infrastructure ». Nous souhaitons également « jouer » avec les frictions qui opposent la vision transhumaniste (vision positiviste des nouvelles technologies : progrès) et celle des mouvements autonomes du détournement, de l’appropriation et du remixage… qui ont fondé les armes esthétiques, intellectuelles et spirituelles de l’afrofuturisme, du mouvement cyberpunk, etc.. dans un désir et une volonté d’émancipation.
> « UrBang » est l’espace de réflexion et d’expérimentation sur l’art en réseau à partir duquel s’arbore un site Internet qui permettra aux différents participants du projet d’échanger à distance via un environnement virtuel intégrant un système de publication et de communication en ligne dynamique (SPIP : Système de Publication pour l’Internet Partagé, une plateforme Open Source modifiable). Il nous permettra de mener des actions et des expérimentations artistiques en ligne (réalités virtuelles 3D, performance en réseau, dynamiques communicationnelles intermédia) via des dispositifs de télé-collaboration, la création d’outils (widgets/plugins) et la customisation de programmes open source. Il permettra aussi de diffuser et d’échanger des informations, de communiquer, d’explorer de nouveaux potentiels technologiques via un partage des connaissances permanent. L’objectif de UrBang étant de garder une distance critique envers les médias électroniques face à la globalisation digitale, d’analyser les nouvelles hétérotopies du virtuel de la « Gamification » mondialisée aux nouveaux marchés de la notoriété. La transformation du web en un nuage de réseaux sociaux (facebook, blogosphère, etc) nous conduisant à re-concevoir nos modalités et nos protocoles de travail mais à aussi à re-concevoir la pensée réseau comme manière de travailler et de se représenter le monde avec ou sans technologies (systémique, dreamtimes…).
> « De la théâtralité au théâtre des opérations » est un des axes importants que nous souhaitons développer dans un contexte culturel d’enseignements et de pratiques du scénographique que nous ne cessons d’interroger (voir ci-après). Notre idée est d’approfondir la notion de théâtralité et celle du scénographique en relation avec d’autres disciplines et notamment leurs transpositions dans des sphères politiques et sociales où l’activité humaine transforme et met en jeu l’urbain et ses principes de « régulation ». Les populations des villes et leurs institutions génératrice de pratiques urbaines inscrites dans l’opposition entre pouvoir et contestation, reconfigurent sans cesse la notion de jeu, de performance et de spectaculaire jusqu’au « théâtre des opérations » présent dans les dispositifs de propagandes, de luttes et de la guerre (manifestation, désobéissances civiles, tactiques d’oppression et de résistance, flash mobs, etc). La signification de la théâtralité dans l’espace public, son rapport au pouvoir, aux normes morales, les tensions politiques et sociales ont toujours contribués à la dynamique de la création théâtrale et de la création tout court. C’est autour de penseurs comme Eyal Weizman, Gandhi, Thoreau, Noam Chomsky et autour d’expériences actuelles et plus anciennes du performatif urbain (du Living Theater aux Guérilla Girls en passant par les insurrections contemporaines) ou des politiques interventionnistes, sans oublier également le rôle des réseaux sociaux et des espaces virtuels partagés que nous élaborerons aujourd’hui cet axe de recherche.
Au-delà des discours clichés que l’on retrouve partout, facile, sur la ville comme théâtre, comme scène, au delà de la théâtralité comme solution à un être ensemble souvent consensuel et normé (on pense ici à bien des événements programmés par les villes), comment situer ces enjeux de théâtralité, de performatif, de spectaculaire. Comment travaillent-ils, sont-ils travaillés (par les habitants notamment), et comment les travailler au sein de pratiques artistiques. Comment ils sont une manière de regarder la ville de l’intérieur, pas seulement de l’animer, de la rendre ludique pour un jour. Mais comment cette théâtralité irrigue la vie même des gens, comment elle est convoquée, en tant que stratégie esthétique, stratégie de vie: le « show up », la question du corps, espace comme scène, corps visible…
4. Enjeux conceptuels et pédagogiques.
Le projet U.G est porté, à Strasbourg par les pôles Espaces publics et Espaces scéniques de l’Option Design & Scénographie, ses enjeux sont une singularité dans le paysage des enseignements de la scénographie en France, au champ disciplinaire marqué essentiellement par une pensée et une pratique du plateau de théâtre et de l’exposition. Autour de ce champ fortement défendu, existe un faisceau de pratiques, de pensée, souvent diffuse que l’on pourrait appeler, par distinction, « scénographique ». Il correspond à la manière dont une pensée de la théâtralité, de l’espace scénique, circule, infuse de multiples pratiques artistiques et professionnelles. L’art moderne et contemporain en est un exemple évident, et depuis longtemps (voir les avant gardes), le design aussi, et la ville en est bien évidemment un autre, objet particulier de nos attentions dans le cadre d’U.G. Ces porosités sont telles qu’on peut y voir un « pillage », un brouillage du champ de la scénographie, par essence ouvert, contextuel, poreux, collectif. Cette diffusion du scénographique est une réalité marquante des pratiques d’artistes, devenues transdisciplinaires. On peut s’interroger sur ce qui génère cet intérêt, sur ce dont est porteuse cette théâtralité.
A l’ESADS, le projet U.G souhaite inscrire clairement le fait que cette dimension du scénographique, cette question de la théâtralité, fait partie du champ de la scénographie. Nous souhaitons préciser, travailler, interroger cette notion dans le contexte des grandes villes contemporaines.
On parle très souvent de la ville comme théâtre, c’est même un cliché rebattu. Mais cette pensée de la ville n’est pas toujours le fait de connaisseurs de la scène, ce qui rend leurs propos prometteurs de par le déplacement d’objet auquel est appliqué un concept théâtral ou scénographique, mais aussi souvent décevants.
C’est un champ de questions à travailler : comment les concepts, les enjeux de la scénographie, de la scène, interviennent-ils dans des contextes non strictement théâtraux et dans notre cas précis, dans la ville contemporaine. Comment s’en emparent les chercheurs, les penseurs, les artistes, comment jouent-ils avec ?
5. Dispositifs de recherche
On souhaite et l’on doit enfin s’interroger sur la façon dont nous allons articuler création et recherche dans ce projet. L’intégration au système européen d’enseignement supérieur (LMD) confronte les écoles d’art à un enjeu en partie inédit qui est celui de la recherche et surtout à celui de définir, faire reconnaître et valider la spécificité de la recherche EN art face au modèle universitaire dominant en France de la recherche SUR l’art. Dans ce débat, le projet UG, au croisement de problématiques urbaines, sociales, anthropologiques et artistiques permet d’envisager un positionnement médian et original entre subjectivité de l’acte d’artiste et analyse scientifique, une forme de recherche PAR l’art et POUR l’art dont les « résultats » irrigueraient à la fois les champs artistiques et scientifiques. En ce sens le programme Cities Methodologies développé à Londres par l’Urban Laboratory de l’UCL est un modèle et un exemple intéressant de croisement des problématiques à observer. La présence d’Aurora Kiraly qui a développé à Bucarest un volet de ce projet nous apportera un regard avisé important.
http://www.ucl.ac.uk/urbanlab/en2/index.php
« Comment est-il possible d’observer le monde sans se conformer aux standards de notre connaissance ? How is it possible to observe the world without following the standard of our knowledge ? » Georges Didi Hubermann, (présentation de l’exposition Atlas).
Comment des artistes associés à des chercheurs s’emparent et inventent des dispositifs de recherche est un enjeu central d’UG cela demande, à ce stade, une réflexion spécifique à développer durant ce séminaire et la suite du programme. Il nous semble intuitivement très important de travailler à l’endroit du clivage entre art et science en modifiant les assignations habituelles; comment un chercheur initie un acte artistique et comment un artiste s’empare de procédures scientifiques, de cette remise en jeu des rôles dépend la pertinence du projet comme ré-évaluation de la question de la recherche, des recherches.
Voici, à ce stade, une série de pistes, glanées au fil des derniers mois, mais non encore développées:
– Recherche préparatoire : plusieurs sont esquissées au fil du texte : travail sur des notions (Espace public, théâtralité…), des contextes, etc… Pousser, formaliser la dimension préparatoire à un projet, jusque à en faire une recherche spécifique, la question du documentaire comme forme artistique. Selon quels critères se fait cette recherche et comment s’articule-t-elle au projet lui-même. C’est ce que Georges Didi Huberman interroge dans son exposition « Atlas »: le travail de l’artiste comme une méthode, notamment dans la relation aux sources, mais aussi d’une manière plus ouverte.
– Recherche post acte. Regarder comment un geste suscite des réactions. En termes de recherche, comment des interventions d’artistes sont elles « observables » ? Et par qui? Comment agissent-elles comme des tests, suscitant, ou pas, des réactions, le côté « chimiste » de la recherche. On pourrait par exemple initier des gestes d’artistes, que l’on documente précisément, en observant en particulier comment ces gestes suscitent des réactions, lesquelles et pourquoi. C’est une piste pour penser la recherche, aux cotés de la création, où la recherche vient après, interroge le geste posé et ses conséquences.
Ces nombreuses questions méthodologiques, riches de croisements entre théorie et pratiques doivent aussi nous permettre de structurer un dispositif « institutionnel », valide au regard des politiques d’évaluations instaurées (AERES, CNESER), à même de pérenniser un programme qui ne prendra sa valeur et son sens que dans la durée et la multiplicité des points de vue qui y seront développés et expérimentés.
Une dernière question importante, en lien avec le point précédent, à réfléchir sera celle de la visibilité de la recherche et en ce qui concerne la première phase 2012-2013 (Strasbourg < > Johannesburg), comment se construit l’articulation entre expérimentation, événement, restitution, publication. Des pistes sont esquissées avec le projet de colloque en acte au Maillon en 2013, mais elle ne sont qu’amorcées et demandent d’être plus finement définies. Ce sont notamment elles qui permettront de reformuler une demande de soutien auprès du ministère pour 2013.
Mai 2011
François Duconseille, Eléonore Hellio, Jean Christophe Lanquetin